mardi 11 mars 2014

La traversée V

Pendant notre traversée vers l'Affimane nous passons le temps en lisant les coupons publicitaires distribués dans le port par les compagnies maritimes. La compagnie centrale Tribalt, succursale de la république de Fiacse-et-Cocarde dont la réputation n'est maintenant plus à faire, fournit une littérature abondante et vante en marge de ses services d'autres aspects louables de l'État-entreprise.


Nalode dans les montagnes de Fiacse peut se targuer d'être la ville la plus moderne au monde. L'entrefilet qui la présente est intitulé La Cité Électrique. Laïus modifié d'après les commentaires d'Azine.

Nalode fut bâtie non loin du bourg du même nom pour loger les ouvriers de ce qui allait devenir la plus vaste exploitation de charbon du pays, satisfaisant à elle seule la moitié de la consommation nationale. À mesure que l'on prenait conscience de l'importance du gisement, la croissance de la ville prit un tour rapide et écrasa bien vite le petit village de montagne qui l'avait précédé. En ce jour d'avril 1905, elle compte déjà 500 000 habitants: 4/5 de mineurs, plus les ingénieurs, l'administration locale, un contingent de maintenance, et un service de sécurité suffisant.

Le début du siècle a vu la construction, au sud de la ville, d'une imposante usine électrique tout à la fois novatrice et performante. Les rues furent alors pavées de graphite, et on étendit au-dessus un fin grillage sans laisser un espace de libre. Les deux, reliés au réseau, vinrent alors alimenter les trolley-bus particuliers, à perche unique, conçus pour l'occasion. Le courant devait entrer par la perche et regagner le sol via la trame métallique des roues.

La ligne aérienne universelle, qui permet une grande souplesse dans les mouvements des véhicules, a connu d'autres usages par la suite. Un seigneur-financier qui avait établi sa résidence secondaire à Nalode se dota ainsi d'un véhicule de fonction à pantographe grâce auquel il pouvait se rendre rapidement d'un point à un autre de la ville. Il a tenté plus tard d'imposer au C.A. (conseil d'administration) le projet d'un réseau national, ce qui lui valut un rappel à l'ordre, la rentabilité du train s'annonçant plus sûre.

Le plus remarquable reste toutefois les véhicules de sécurité, qui inondent les rues pour casser du mineur à chaque fois que leurs messes basses viennent à s'entendre dans les hautes sphères. Ils restent inféodés aux lignes aériennes, comme tous les véhicules admis dans la ville, mais le réseau est si dense que cela ne leur pose aucun problème.


Je terminerai par une anecdote qui me semble amusante, celle-ci coupée dans un vieux journal.
Un matin de novembre 1900, un responsable de magasin d'outils du nom de Mustapha Yersaik se réveilla avec la soudaine lubie de mettre fin à ses jours. Il monta au deuxième et ouvrit la large fenêtre de la cage d'escalier. Puis, pour être certain que la chute soit réussie, il se laissa tomber à la renverse. Il eut la désagréable surprise de voir sa chute arrêtée par un confortable treillis métallique, posé durant la nuit par le contingent de maintenance, laissant sur le grillage une zone bosselée. Entendant les réprobations d'un passant à ce sujet, il se retourna, confus, et le questionna. Surpris de n'être pas mort grillé vif sur la ligne aérienne déjà alimentée, le passant fit remarquer qu'il aurait dû, pour en ressentir les effets, toucher à la fois le sol et la grille. Alors, le boutiquier pratiqua à la pince une longue ouverture, saisit d'une main le pan de grillage libéré, et le laissa ployer sous son poids. Il posa alors son autre main sur la route.

Paix à son âme.




Toujours vôtre,
Xavier Plorc

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On n'hésite pas. Xavier est faible mais je le seconde.